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Le Mozambique, plus connu pour ses plages idylliques et ses îles, n’évoque pas immédiatement l’idée d’un safari sauvage en Afrique. Longtemps éclipsés par les récits effrayants de la guerre civile qui a failli anéantir sa faune, les parcs naturels de ce pays ont mis du temps à retrouver leur place sur les listes de souhaits des voyageurs avertis. Pourtant, il existe un lieu qui a survécu à ce tumulte et offre aujourd’hui une expérience de safari unique : la Réserve de Niassa.

La réserve oubliée

Au temps de la colonisation portugaise, la réserve de Gorongosa, située dans la région centrale du Mozambique, était considérée comme le joyau des parcs animaliers du pays, voire de l’Afrique tout entière. Cette réputation s’est effondrée avec l’éclatement de la guerre civile, qui a pratiquement anéanti la faune de Gorongosa. Cependant, la Réserve de Niassa, située dans le nord éloigné du pays, est restée intacte. Éloignée des ravages de la guerre grâce à son isolement, cette vaste étendue de 42 000 km² a préservé son écosystème et sa biodiversité.

Aujourd’hui encore difficile d’accès, la Réserve de Niassa est devenue un véritable sanctuaire sauvage. Quelques intrépides entrepreneurs ont saisi cette opportunité pour développer le tourisme dans cette région du Mozambique, en la promouvant comme l’une des dernières expériences de nature sauvage véritable en Afrique. Et ils ont raison. Avec plus de 10 000 éléphants et plus de 200 chiens sauvages africains en danger critique d’extinction, ainsi que de nombreux léopards, lions et hyènes, Niassa est un trésor de biodiversité qui mérite d’être découvert.

Un colosse africain en expansion

Nommée en raison de sa proximité avec le Lac Niassa, mieux connu sous le nom de Lac Malawi, la Réserve de Niassa est en phase d’expansion grâce à de nouvelles législations qui en étendent les frontières. Située sur le fleuve Rovuma, qui marque la limite entre le Mozambique et la Tanzanie, la réserve fait partie du projet de Corridor de Protection de la Faune Selous-Niassa. Ce corridor relie les vastes zones de conservation du nord du Mozambique aux paysages sauvages et indomptés du sud de la Tanzanie, créant ainsi la plus grande aire protégée de faune sauvage sur Terre.

En reliant Niassa aux autres réserves, ce corridor vise à sécuriser l’avenir de cet énorme territoire. Avec des financements accrus pour une meilleure protection, il n’est pas exagéré d’affirmer que la Réserve de Niassa pourrait devenir la destination de safari la plus prisée d’Afrique.

Défis de conservation

Les menaces pesant sur la biodiversité de Niassa découlent principalement du développement humain non maîtrisé et de l’utilisation anarchique des ressources naturelles. La réserve compte environ 40 000 habitants qui dépendent largement de ses ressources pour leur subsistance. Cette exploitation des terres agricoles, de l’eau, du bois, des produits forestiers non ligneux, des poissons et de la viande de brousse est actuellement insoutenable pour la plupart des ressources.

Ces activités incluent le braconnage ciblé des espèces de grande valeur telles que l’ivoire des éléphants et l’empoisonnement des lions, l’exploitation forestière illégale, l’expansion des zones agricoles, la pêche, la coupe de bois pour usage domestique, les installations de campements illégaux, et la snaring (piégeage) pour la viande de brousse, qui capture aussi par inadvertance d’autres carnivores. Des conflits entre les humains et la faune, ainsi que des maladies vétérinaires, aggravent encore ces problèmes.

Quatre menaces majeures provenant de facteurs externes pèsent sur la biodiversité de Niassa : le braconnage des éléphants pour l’ivoire, l’empoisonnement des grands carnivores et des vautours pour leurs parties du corps, l’exploitation minière artisanale, et l’extraction du bois dur pour un usage commercial. Sur le plan local, une gouvernance défaillante et une application laxiste des lois facilitent la perpétuation de ces activités illégales.

Approches de conservation

La vision du WCS (Wildlife Conservation Society) pour la Réserve Spéciale de Niassa est un paysage sauvage, écologiquement sain et financièrement sécurisé, co-géré par le gouvernement et ses partenaires en coopération avec les résidents. Ce lieu doit devenir un refuge primordial pour la mégafaune africaine et la richesse de la biodiversité du Mozambique, contribuant ainsi au développement durable du pays.

Pour atteindre cette vision, le WCS, l’ANAC et les gouvernements provinciaux ont initié un processus de planification de paysage continu visant à concilier la conservation de la biodiversité et les besoins de développement humain. Cela inclut la mise en œuvre d’un système de zonage amélioré pour mieux protéger la biodiversité et les processus écosystémiques, tout en identifiant des pôles de développement humain et en réduisant les conflits homme-faune.

Le plan de paysage est intégré aux plans de développement provincial et est coordonné avec la planification des districts. Il constitue le mécanisme pour une action coordonnée entre la gestion de la réserve, les agences gouvernementales locales, les opérateurs du secteur privé dans et autour de la Réserve de Niassa, et la société civile locale. À l’intérieur de la Réserve Spéciale de Niassa, le plan de paysage est mis en œuvre à travers le Plan Général de Gestion de la Réserve.

Protection de la biodiversité

La protection de la biodiversité au sein de la Réserve Spéciale de Niassa repose sur des objectifs de conservation convenus, suivis par l’identification des menaces clés et de leurs causes. Les actions de gestion sont ensuite basées sur la réduction de ces menaces et l’amélioration de l’état des cibles de conservation. Ce processus de planification a impliqué de nombreux acteurs (secteur privé, gouvernements locaux et nationaux, société civile), et a identifié les cibles de conservation suivantes :

  • Forêts de Miombo : y compris les dambos (zones humides saisonnières) et la faune associée.
  • Forêts montagnardes : typiquement sur les inselbergs (massifs rocheux isolés) et la faune associée.
  • Systèmes fluviaux : y compris les bandes riveraines, les espèces aquatiques et la faune associée.
  • Éléphants : qui subissent des menaces au-delà de celles liées à leurs habitats.
  • Grands carnivores : qui subissent des menaces au-delà de celles liées à leurs habitats.

Les principales menaces pour ces cibles incluent l’exploitation illégale de ressources de grande valeur pour un gain commercial (ex. : braconnage d’ivoire, extraction illégale de bois, exploitation minière artisanale, extraction commerciale de la viande de brousse, empoisonnement pour les os de lions) ; le changement d’utilisation des terres et le défrichage pour l’agriculture, l’expansion périurbaine, le bois de chauffage et de construction ; l’extraction de ressources naturelles pour un usage de subsistance (ex. : usage de viande de brousse pour la subsistance, pêche, récolte de produits forestiers non ligneux) ; les conflits homme-faune, qui ont conduit à des représailles et à des attitudes négatives envers la faune et la réserve elle-même ; et les problèmes de maladies entre les hommes, la faune et le bétail (ex. : rage et maladie du sommeil).

Un sanctuaire aux richesses inestimables

La Réserve de Niassa ne se résume pas seulement à sa faune exceptionnelle. En son centre s’élève la Montagne Mecula, culminant à 1 441 mètres, offrant des panoramas magnifiques. Les inselbergs, ces énormes affleurements rocheux, abritent une biodiversité locale importante et endémique, telle que le lézard à ceinture de Mecula. Les rivières Rovuma et Lugenda, avec leurs vastes systèmes pérénnes, irriguent ces territoires et créent des habitats propices à une multitude d’espèces.

Outre sa nature, Niassa possède également une histoire culturelle. La majorité de la zone géographique est le domaine de la langue et de la culture Yao, avec des sites d’art rupestre remontant à des milliers d’années et des sites sacrés où les pratiques traditionnelles sont toujours vivantes.

La Réserve de Niassa est un vaste sanctuaire sauvage qui incarne le renouveau du Mozambique post-guerre civile. Avec ses efforts de conservation robustes, cette réserve est destinée à devenir une destination incontournable pour les safaris en Afrique. Malgré les défis de conservation et les menaces extérieures, la réserve continue de prospérer grâce à la coopération entre les organismes gouvernementaux, les partenaires locaux et internationaux, et les communautés locales qui travaillent ensemble pour protéger cette précieuse terre sauvage. L’avenir de Niassa est radieux, promettant une renaissance pour la faune du Mozambique et une expérience immersive inoubliable pour ses visiteurs.

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